Le Sanhédrin quand il devint exclusivement pharisien était le siège de débats incessants entre l’école majoritaire d’Hillel et l’école minoritaire de Shammay; cette école était peut-être minoritaire en terme de sièges, mais très probablement majoritaire auprès du peuple. Elle défendait l’indépendance de la Judée et avait des vues conflictuelles avec l’occupant romain; au contraire de l’École de Hillel. La plupart des historiens sont d’accord pour dire que les dix-huit ordonnances de Rabbi Shammay furent proclamées peu avant le début de la Grande Révolte. Flavius Josèphe rapporte que des décisions furent prises quand une partie des juges du Sanhédrin se rendirent auprès du procurateur Gessius Florus afin d’aider les publicains à réunir le tribut envers Rome. Ces ordonnances devaient être en discussion depuis longtemps, mais la majorité hillélite les avaient rejetées; quand les shammayites les proclamèrent, elles devinrent normatives pour l’ensemble du peuple Juif. Ces ordonnance visaient à empêcher tout contact entre Juifs et non-juifs: aucun juif ne pouvait plus acheter du pain, de l’huile, du fromage, du vin, du vinaigre et d’autres comestibles, de parler leur langue, d’accueillir leur témoignage et leurs offrandes. Depuis que Shammay les a défendues, elles s’étaient imposées aux Judéens. Dès leur proclamation, Ézéchias ben Hananya ordonne d’interrompre les sacrifices en faveur de l’empereur et ses offrandes lui sont renvoyées; ce qu’à Rome on considère comme une déclaration de guerre, d’autant plus que les Sicaires viennent de prendre Massada. Quand elles durent proclamées, le Talmud de Jérusalem dit que ce jour fut aussi funestes aux Israélites que celui où ils firent le veau d’or. Remarquons que ces ordonnances furent abolies par une voix célestes.
Ces ordonnances visent donc à empêcher tout contact entre païens et entre Juifs y compris l’interdiction de parler, puisque les Juifs ne peuvent plus parler les langues des nations mais seulement l’hébreu. On doit donc se demander si le but de ces ordonnances n’avaient pas comme but indirect d’empêcher les conversions. Un texte comme Esdras-Néhémie combat les mariages mixtes que chaque Juif/juive rejette son conjoint non-juif/non-juive ainsi que les enfants qu’il aurait pu avoir. Dans ce texte, il n’est aucun accommodement possible; en effet, la conversion du conjoint n’est jamais envisagée. Celui qui refuse est proclamé non-juif et est rejeté du peuple Juif. Esdras-Néhémie était classé en prophètes au Ier siècle; au IIe/IIIe siècle, il sera déclassé en Autres écrits, et disposé à la fin de la Bible, juste avant les Chroniques. Pour des raisons que je ne puis expliquer ici car trop longue, ces livres sont anti-datés; il s’agit d’un manifestes de l’école pré-pharisienne pour s’opposer à la politique de conversion de Jean Hyrcan qui vient d’intégrer les Iduméens (les descendants d’Esaü) dans le judaïsme. Ces gens croyaient que si les non-juifs se judaïsaient, la récompense pour le peuple Juif serait moindre — comme si Dieu était avare. La mekilta deRabbi Ishmaël rapporte qu’il est trois types de prophètes, celui qui aime Dieu et le Peuple Juif comme Jérémie; celui qui aime surtout Dieu comme Élie; et celui qui aime surtout le Peuple comme Jonas. Jonas ne veut pas convertir les Ninivites parce qu’il croit que si les Ninivites vivent droitement, le Peuple Juif qui n’observe pas parfaitement les commandements sera puni par Dieu. En réalité, Dieu aime tous les hommes, quand il ordonne à Jonas de convertir les Ninivites, c’est simplement parce qu’eux aussi sont ses fils et qu’il aimerait que leurs prières lui arrivent plutôt qu’elles ne soient interceptées par les idoles.
Le shammayisme avait pénétré toutes les couches de la population juive, il est d’ailleurs significatif qu’elles furent abolies par une voix céleste; comme Pierre a qui Dieu a enjoint de rencontrer le centurion Corneille à travers une vision dans laquelle il mange des nourritures interdites. Quand Pierre se présente à Corneille, Pierre lui dit (Actes 10, 28):
Vous savez, leur dit-il, qu'il est défendu à un Juif de se lier avec un étranger ou d'entrer chez lui (ce sont les ordonnances shammayites); mais Dieu m'a appris (par la vision qu’il vient d’avoir) à ne regarder aucun homme comme souillé et impur.
Les chrétiens ne comprenant pas l’emprise que les ordonnances shammayites avaient sur le Peuple Juif, croit que ce passage signifie que la casheroute est abolie, et c’est tout le contraire. Les traditions d’hommes qu’étaient ces ordonnances sont elles abolies, mais la casheroute elle est étendue à toute l’humanité si elle le veut bien…
Le christianisme est donc bien à l’origine un judaïsme reconstructionniste ouvert aux conversions qui a été déformé en abolitionniste de la Torah. Puisque Jésus l’a accomplie plus besoin de se fouler à observer les commandements, on peut dormir tranquille! Nenni, c’est comprendre au rebours de la vérité.
Après que le Temple ait été détruit, le Judaïsme s’est probablement divisé entre ceux qui estimaient qu’on en faisait pas assez et ceux qui estimaient que les ordonnances de Rabbi Shammay avait plongé le Peuple Juif dans la désolation. Les premiers vont mener la seconde révolte contre Rome avec Shiméon bar Kokhèbâ et les seconds vont devenir les chrétiens… Quand les rabbins abolissent les lois shammayites, probablement vers 150/170, les chrétiens sont entrés dans un processus de divinisation de Jésus, les jeux sont faits, la dispute est consommée.
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