Le péché contre l’esprit est un logion particulièrement ardu du Nouveau Testament, il est présent dans les synoptiques (Mt. 12, 31–32; Mc 3, 28–29; Lc 12, 10) et dans l’Évangile de Thomas (logion 44); ce qui en rend l’interprétation complexe, c’est qu’il diffère subtilement entre les trois évangiles et qu’il y est énoncé dans des contextes différents.
Chez Matthieu et chez Marc,
- le royaume divisé (Mt. 12, 25–28; Mc 3, 23–26; Lc 11, 15–20)
- l’homme fort ligaturé (Mt. 12, 29; Mc 3, 27; Lc 11, 21–22)
- qui n’est pas avec moi disperse (Mt. 12, 30; Mc 9, 40; Lc 11, 23)
- péché contre l’esprit (Mt. 12, 31–32; Mc 3, 28–29; Lc 12, 10)
Pour Matthieu, ensuite:
- l’arbre bon (Mt. 12, 33; Lc 6, 44)
- - race de vipère (Mt. 12, 34; Lc 6, 45b)
- - ce qui se tire du bon trésor (Mt. 12, 35; Lc 6, 45a)
- - chaque parole vaine (Mt. 12, 36–37)
- - les miracles
Pour Marc, ensuite:
- conclusion sur les exorcismes de Jésus (Mc 3, 30: Jésus parla ainsi parce qu'ils disaient: Il est possédé d'un esprit impur.)
Chez Luc
- Il n’est rien de caché (Lc 12, 2–3; Mt. 10, 26–27; Mc 4, 22 court)
- Ne craignez pas (Lc 12, 4–5; Mt 10, 28)
- Cinq passereaux (Lc 12, 6–7; Mt. 10, 29–31)
- Quiconque me reconnaîtra (Lc 12, 8; Mt. 10, 32)
- Celui qui me renierait (Lc 12, 9; Mt. 10, 33; Mc 8, 38)
- péché contre l’esprit (Lc 12, 10; Mt. 12, 31–32; Mc 3, 28–29)
- quand on vous mènera devant les synagogues (Lc 12, 11; Mt. 10, 19; Mc 13, 11a)
- l’esprit vous sera donné (Lc 12, 12; Mt. 10, 20; Mc 13, 11b)
Chez thomas
- le pied de vigne arraché (logion 40; Mt 15, 13)
- celui qui a (log. 41; Mt 13, 12; 25, 29; Mc 4, 25; Lc 8, 18; 19, 26)
- soyez des passants (log 42)
- ils aiment l’arbre et haïssent le fruit (log 43; Mt. 12, 33)
- logion de l’esprit (log 44, et.)
- pas sur des épines (log. 45; Mt. 12, 31–32; Mc 3, 28–29; Lc 6, 44–45)
Il est clair qu’il s’agit d’une parole isolée de Jésus que les évangélistes ont tenté de relier avec d’autres
Les versions matthéenne et marcienne sont longues, mais dédoublées serait plus exact.
Matthieu écrit:
[12.31.] C'est pourquoi je vous dis: Tout péché et tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre l'Esprit ne sera point pardonné. [12.32.] Quiconque parlera contre le Fils de l'homme, il lui sera pardonné; mais quiconque parlera contre le Saint Esprit, il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir.
Marc écrit:
[3.28.] Je vous le dis en vérité, tous les péchés seront pardonnés aux fils des hommes, et les blasphèmes qu'ils auront proférés; [3.29.] mais quiconque blasphémera contre le Saint Esprit n'obtiendra jamais de pardon: il est coupable d'un péché éternel.
Luc écrit:
[12.10.] Et quiconque parlera contre le Fils de l'homme, il lui sera pardonné; mais à celui qui blasphémera contre le Saint Esprit il ne sera point pardonné.
Les évangiles hésitent sur le sens à donner à l’expression bar ènosh, le fils de l’Homme. Cette expression a une double signification, puisqu’elle désigne le Fils de l’Homme daniélique ou le messie spirituel, mais aussi n’importe qu’elle être humain (un fils d'homme = un être humain). Quand Jésus dit que le Fils de l’Homme est maître même du sabbat, cela ne signifie pas que le Fils de l’Homme messianique peut décider d’abolir le sabbat, mais simplement que n’importe quel homme peut profaner le sabbat pour des raisons impérieuses, comme quand sa vie est menacée. Le dédoublement du logion qu’on lit chez Matthieu et chez Marc est le reflet de leur hésitation: «S’agit-il de blasphémer Jésus ou le Fils de l’Homme, ou s’agit-il de calomnier n’importe quel homme.» Il est clair que le second sens est plus logique, c’est bien de calomnies envers les autres dont il est question, et non de calomnier envers le Fils de l’Homme messianique. Le blasphème consiste à mal-dire, à médire, à profaner.
Le sens le plus évident du logion est donc que le blasphème contre l’Esprit Saint consiste à calomnier les actions de l’Esprit Saint; par exemple, en disant que les exorcismes faits par Jésus seraient dus à l’action des démons et non à l’action de l’esprit saint. Ce sens n’est néanmoins pas le seul.
À l’époque de Jésus, circulait un texte secret essénien appelé le Discours des deux exprits (http://essenochristianisme.blogspot.com/2015/04/): le monde est partagé entre deux esprits: l’esprit de perversion et l’esprit de vérité: l’esprit de perversion est destiné à mourir, l’esprit de vérité à triompher à la fin des temps. L’homme est soumis à l’influence de ces deux esprits qui le mène dans la perversité ou dans la vérité.
L’esprit de perversion est l’esprit individuel, l’Esprit de vérité est l’esprit caché, l’Esprit saint. Quand l’homme pratique, il peut vivre des expériences terrifiantes liées au combat entre ces deux esprits, la plus terrifiante d’entre elles, c’est quand l’esprit de perversion se met à mourir. Quand cela arrive, l’homme a deux possibilités, soit il l’accepte cette mort, alors qu’il est toujours vivant et alors l’Esprit de vérité peut commencer à remplir l’être humain; soit il refuse, ou plutôt prend peur face à la mort et pour lui, c’est la chose la plus terrible, parce qu’en prenant peur, l’Esprit de sainteté ne remplit par l’homme, mais la mort de l’esprit de perversion est devenue irréversible. Ceux qui connaissent cela, deviennent des pervers, sorciers, corrompus, mécréants, ils n’ont plus aucune limite dans les crimes, ils sont devenus exécrables aux hommes et à Dieu… La vie de Jésus nous explique cela très bien… Quand on lui annonce qu’il va mourir, entendez que son esprit de perversion va mourir, il prend peur; mais il se ressaisi. Quand cet esprit de perversion se met à mourir; il demande à son père pourquoi l’a-t-il abandonné? Ensuite, il se résigne et accepte la mort, il rend l’esprit, c’est ensuite qu’il ressuscite, entendez que l’Esprit de vérité se manifeste dans sa plénitude en lui…
Tout le secret consiste à renoncer à soi-même; à lâcher prise… la chose la plus simple et la plus compliquée qui soit.
— Stephan HOEBEECK
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire