mardi 22 octobre 2019

Jésus, Paul et la circoncision des non-juifs

Dans les évangiles Jésus ne se prononce pas sur ce sujet; on ne peut donc déduire les choses que de manière indirecte. Pour Paul, c'est plus clair.

L'un comme l'autre semblent en apparence l'avoir rejetée. Le problème c'est que nous lisons des textes juifs comme des ignorants du judaïsme. Les chrétiens voient les choses sur base de ce qu'ils connaissent. Si une personne frappe à une église ou à un temple, voire directement chez un pasteur et dit: «Je veux me convertir.» On lui ouvre immédiatement les portes et on le baptise séance tenante.

Le judaïsme ne fonctionne pas ainsi: si tu frappes à une synagogue, et que tu dis que tu veux te convertir; le rabbin va d'abord dire: «Ce n'est pas possible.» Et si tu insistes, il te demandera comment elle s'appelle, suspectant que tu veux te convertir pour épouser une juive. Si ce n'est pas le cas, il repoussera encore ta demande. Le rabbin te proposera même de devenir noahide; en effet, pour le judaïsme, il n'est pas nécessaire d'être juif pour être sauvé. C'est la justice qui sauve, il y a donc dans le salut une grande responsabilité individuelle. Alors que pour le christianisme comme pour l'islam tu dois te convertir à leurs religions pour être sauvés et, bien entendu, les mettre en pratique. Mais pour eux, les non-chrétiens et les non musulmans ne seront pas sauvés. Le corollaire de ces lectures, c'est que ces deux religions ont une volonté de convertir. Si tu insistes, il finira par y consentir, mais il te dira que tu dois suivre le cours de conversion afin d'avoir une connaissance parfaite des préceptes de la Torah. Si après avoir montré que tu as une connaissance excellente de ces préceptes, on te converti. C'est à dire qu'on te circoncis, et quinze jours plus tard tu te baignes dans le mikveh afin de finaliser ta conversion. Dans la réalité, tu es Juif par les commandements, donc prosélyte de justice. Si tu épouses une juive ou une autre prosélyte de justice, tes enfants seront juifs à 100%. À l'époque de Jésus, c'était un peu plus simple; on te disait non, et si tu insistais de plusieurs fois, on t'apprenais alors quelques commandements; si tu les acceptais, alors on te circoncisait et on te faisait passer le bain rituel et tu était Juif; on t'enseignait alors les autres commandements et la manière de les mettre en pratique (aujourd'hui, on enseigne d'abord tout et on convertit après).

Cette description de la conversion au judaïsme qui ressemble plus à un parcourt du combattant qu'à une conversion comme on l'entend aujourd'hui pose un sérieux problème d'exégèse chrétienne. En effet, Jésus rejette la femme cananéenne qui est vraisemblablement une convertie, mais au final il accepte de l'aider car il a vu qu'elle est sincère, comme les rabbins qui convertissent les non-juifs quand ils ont vu leur sincérité.

Les discours de Paul est très directement hostile à la circoncision, pourtant il circoncit quand même Timothée (Actes 16, 1–3). Cette circoncision va à l'encontre de ce que Paul dit dans ses lettres, ce qui a amené différents historiens à prétendre que Luc a inventé l'histoire. 

À notre connaissance, la lecture qui va suivre n'a jamais été formulée. Il existe de gros problèmes relatifs à la datation des épîtres de Paul qui sont trop longs à détailler ici. En 128, l'empereur Hadrien a interdit la circoncision sous peine de mort, y compris aux Juifs. Cette décision va entraîner la révolte de Bar Kokhèbâ. Peut-être serait-il utile de se demander si les propositions anti-circoncisions ne sont pas des professions de foi à l'Empire romain dans lesquelles les chrétiens montrent leur attachement aux ordonnances impériales. Cette critique ne peut être exclue, puisque si on lit Paul, on a l'impression que les Juifs tentent de circonciser tous les non-juifs qui passent à moins de 10km de la synagogue; or, on sait que le judaïsme hellénistique ne pratiquait pas systématiquement la circoncision, y compris des enfants nés de pères et de mères juives; et encore moins les convertis et pas du tout les simples sympathisants.

Enfin, puisque les rabbins refusent les conversion afin de vérifier la persévérance du requérant; il est tout à fait possible que le refus de Paul ait été mal interprété, il aurait alors simplement affirmé que la circoncision n'était rien, afin de vérifier la fiabilité des chrétiens qui, au contraire de ce qu'ils auraient dû faire, se sont empressés de renoncer à la circoncision.

Stephan HOEBEECK

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