samedi 21 décembre 2019

Jésus est-il né un 25 décembre

Jésus est-il né un 25 décembre? Il y a une chance sur 365 pour que ce soit bon; c'est mieux que rien,  mais c'est insuffisant.
Quelque soit l'année de naissance de Jésus, si Jésus avait connaissance de son jour de naissance, ce serait sur base d'années lunaires... Il aurait donc fallu au préalable, des années après sa naissance, voire après sa mort, transformer cette date lunaire en date solaire... Vu les erreurs nombreuses qui émaillent la plupart des conversions ancienne d'un calendrier en un autre, il est clair que même si sa famille avait conservé sa date de naissance selon le calendrier judéen, il n'y a toujours aucune garantie que cette conversion aurait été exacte. Cyrille d'Alexandrie prétend que cette date est assurée parce que l'annonce à Zacharie aurait été faite à Yôm Kippour; le seul problème, c'est qu'il n'est rien dans l'Évangile de Luc qui permettrait de supposer que c'est bien à Yom Kippour que cette annonce aurait eu lieu.

La naissance de Jésus est rapportée par Matthieu et par Luc; il faut le dire clairement, les deux textes sont avant tout des midrashim dont la portée n'est pas historique mais symbolique.

Chez Luc, la naissance de Jésus est mise en rapport avec le recensement de Quirinus qui eut lieu en 6; la symbolique n'est pas compliquée à comprendre en se référant à l'œuvre de Flavius Josèphe. En 6, Archélaos, l'un des fils d'Hérode, et tétrarque de Judée-Samarie-Idumée est déposé par Auguste car les plaintes s'accumulaient à son sujet et les diverses exactions auxquelles il se livrait déstabilisaient la Judée. À ces exactions, s'ajoutaient son mariage avec Glaphyra. Cette dernière était une princesse de Cappadoce qui avait épousé d'abord Alexandre l'hasmonéen. C'était aussi un fils d'Hérode, sommairement exécuté par son père en –7, parce qui le suspectait de préparer une révolte contre lui. L'empereur Auguste avait enjoint Hérode à le laisser vivre, mais Hérode ne l'a pas écouté, ce qui fit dire à Auguste, qu'«il valait mieux être le porc d'Hérode que le fils d'Hérode». Glaphyra est donc devenue veuve en –7. Elle se remarie avec Juba, un roi berbère de Mauritanie; mais s'en sépare quelques années plus tard pour épouser Archélaos. Peu de temps après son mariage, elle rêve de son premier mari Alexandre qui lui dit: qu'il lui pardonne son mariage avec Juba et avec son frère, car il va la reprendre bientôt comme épouse. Elle meurt trois jours plus tard. Cette indication est intéressante, parce qu'elle montre que les Juifs de cette époque croyaient qu'ils vivaient dans une sorte de paradis après la mort, dans lequel ceux qui avaient été mariés se retrouvaient après la mort. Cela pourrait expliquer la question des sadducéens à Jésus, qui demandent à propos d'une femme qui a épousé successivement plusieurs frères dont elle devint chaque fois veuve; avec lequel des frères, elle sera mariée dans le monde à venir? La question du mariage d'Antipas avec Hérodiade, la veuve de son frère Hérode Boethos, pourrait avoir poussé des radicaux comme Jean le baptiste, à pousser à la révolte pour condamner ce type de mariage. Il est donc très probable que le mariage d'Archélaos et de Glaphyra soit mal passé auprès des Juifs.
Concernant le sens du passage chez Luc, il est très simple, le passage de la domination indirecte de Rome sur les territoires d'Archélaos à une domination directe va impliquer un recensement de cette nouvelle province. Les Judéens prennent très mal ce recensement qui fait l'objet d'une condamnation biblique implicite, puisque le recensement de David est inspiré par Satan (I Chroniques 21, 1): 
Satan, cherchant à nuire à Israël, incita David à en ordonner le dénombrement.
Cette décision d'Auguste leur montre bien qu'ils ne sont dorénavant les esclaves des Romains. Deux chefs juifs vont entrer en révolte, il s'agit de Judas de Gamla, fils d'un Ezéchias, exécuté par Hérode en –47, et de Saddoq. Pour autant qu'on sache, la Judée se révolte, toute la Judée, non un obscur galiléen, même pas concerné par le recensement, se rend pourtant à Bethléem, avec sa jeune épouse, alors qu'elle est sur le point d'accoucher, pour se faire recenser. 
L'allégorie est transparente, alors que tous les Juifs se révoltent, la famille de Jésus obéit sans discuter aux ordres de l'empereur romain.

Chez Matthieu, la naissance de Jésus est antérieure à la mort d'Hérode qui eut lieu en –4; le contexte change mais il est tout aussi symbolique que chez Luc quoi que de manière très différente, puisque chez ce dernier, il n'est vanté que l'obéissance à Rome.
Joseph habite Bethléem avec sa jeune épouse sur le point d'accoucher. Tout semble normal, excepté qu'une étoile guide des mages vers Bethléem. Cette étoile a été mise en rapport avec toute sorte d'événements astronomiques, dont une conjonction jupiter-saturne, une super nova, la comète de Haley qui fut visible de la terre en –11. Toutes ces interprétations astronomiques bloquent néanmoins sur un détail, c'est qu'excepté les mages, personne ne voit cette étoile; elle est invisible, ce point sera élucidé plus bas.
Une autre perspective est de mettre l'étoile en rapport avec un passage des Nombres, dans lequel Balaam prophétise (24, 17):
Je le vois, mais ce n'est pas encore l'heure; je le distingue; mais il n'est pas proche: un astre (kôkav) s'élance de Jacob, et une comète surgit du sein d'Israël, qui écrasera les sommités de Moab et renversera tous les enfants de l'orgueil. 
Ce passage permet aussi de comprendre le surnom de Bar Kôkhbâ, qui commanda la révolte de 132–135. Il s'appelait en effet Shiméon bar Kosèvâ, ce qui impliquerait peut-être qu'il aurait été originaire d'un village homonyme situé en Gaulanitide. Il était surnommé Bar Kôkhbâ, le fils de l'étoile, pour correspondre à la prophétie.
Jésus est donc mis en opposition à Bar Kôkhbâ, le faux messie qui se révolte contre les Romains et Jésus le vrai messie qui accepte les Romains.
Cette interprétation est néanmoins insuffisante et explique difficilement pourquoi l'étoile était vue des seuls mages. Ces derniers étaient tenus en haute estime par Philon d'Alexandrie. Il dit d'eux (De Probus 74):
Chez les Perses, c’est la classe des Mages qui scrutent les œuvres de la nature pour en apprendre la vérité et qui, en silence, au moyen de manifestations plus claires que la parole, reçoivent et transmettent la révélation des vertus divines. 
Et ailleurs (Spec. legibus 3, 100)
la réputation auguste et flatteuse dont elle [la magie] jouit lui vaut d’être activement étudiée non seulement par des particuliers mais aussi par des rois, et encore par les plus grands des rois, notamment ceux de Perse, à telle enseigne qu’à ce qu’on dit, personne dans ce pays ne peut être élevé au trône s’il n’a fréquenté la grande famille des mages. Or donc, pour ce qui est de la magie véritable — j’entends par là un savoir visionnaire qui permet de discerner les effets de la nature au moyen de représentations plus nettes. 
Il dit encore ailleurs (Spec. legibus 4, 191–192):
Les véritables serviteurs de Dieu affûtent soigneusement leur pensée et ne tiennent pas pour peu de chose un égarement qui a tenu à peu de chose : telle est, en tous domaines, la transcendance de Dieu qui est l’objet de leur culte ! Voilà précisément pourquoi tous les prêtres ont reçu l’ordre de sacrifier à jeun afin qu’aucune drogue génératrice de déraison et de délire ne s’insinue en eux et n’offusque les yeux de leur pensée. Mais peut-être est-ce aussi que le prêtre authentique est d’office prophète, car c’est moins sa naissance que sa valeur qui l’a fait accéder au culte de Celui qui est véritablement l’Être ; or un prophète n’a rien qu’il ignore, puisqu’il recèle à l’intérieur de lui-même un soleil spirituel et des rayons dépourvus d’ombre, afin d’appréhender avec une netteté parfaite les réalités qui échappent au regard sensible, mais qui sont susceptibles d’être appréhendées par la pensée.
Les mages sont donc ceux qui voient les choses invisibles. Le sens de l'histoire est encore à rapprocher des Paraboles d'Hénoch (Livre d'Hénoch, chap. 37 à 71) qui décrivent un messie préexistant à la création et appelé le Fils de l'Homme, dont les élus sont ceux à qui Dieu le révèle, ce qui fait autant penser à l'étoile invisible des mages (les élus) guidés vers le vrai messie Jésus, qu'au kérygme de Pierre (Matthieu 16, 17–19).
Le massacre des innocents est une redite du massacre des enfants juifs duquel seul Moïse survit. On lit en Exode (1, 22): 
Pharaon donna l'ordre suivant à tout son peuple: «Tout mâle nouveau-né, jetez-le dans le fleuve et toute fille laissez-la vivre.»

L'article pourrait s'arrêter ici, mais le massacre des innocents contiennent un problème textuel qui n'a pas vraiment fait l'objet de discussions jusqu'à présent, et c'est la citation prise de Jérémie 31, 14. Celle-ci semble affirmer que des enfants seront perdus (périront), mais les versets suivants précisent bien qu'ils seront retrouvés. La citation complète de Jérémie (31, 14–16) dit:
Ainsi parle le Seigneur: «Une voix retentit dans Rama, une voix plaintive, d'amers sanglots. C'est Rachel qui pleure ses enfants, qui ne veut pas se laisser consoler de ses fils perdus! Or, dit le Seigneur, que ta voix cesse de gémir et tes yeux de pleurer, car il y aura une compensation à tes efforts, dit l'Eternel, ils reviendront du pays de l'ennemi. Oui, il y a de l'espoir pour ton avenir, dit le Seigneur: tes enfants rentreront dans leur domaine.»
L'utilisation de ce verset ne peut avoir que deux raisons: soit, il s'agit de convaincre les Juifs que l'occupation romaine ne sera pas brisée, et donc que les fils perdus de Rachel ne rentreront pas dans leur domaine; soit, que la citation provient d'une source aujourd'hui perdue. Si l'utilisation de sources pour la rédaction des évangiles est à la base de la recherche moderne sur ceux-ci, leur reconstitution tient de la gageure. En effet, les rédacteurs des évangiles ne se sont pas privés de réécrire les textes qu'ils utilisaient et d'effacer ce qui ne leur convenait pas. Le sens de la péricope de Jérémie est que les gens n'ont pas disparu, si on le met en rapport avec massacre et fin du règne d'Hérode, cela pourrait correspondre à l'emprisonnement des notables judéens et de leurs familles dans l'hippodrome de Jéricho. Flavius Josèphe dit qu'Hérode 
Il prit le chemin du retour et parvint à Jéricho. Là, vomissant déjà de la bile noire. il lança une sorte de défi à la mort même, en procédant à une exécution sacrilège. Il fit rassembler dans l'hippodrome des citoyens notables de tous les bourgs de la Judée et ordonna de les y mettre sous clef. Puis, appelant auprès de lui sa sœur Salomé et Alexas, mari de la princesse: «Je sais, dit-il, que les Juifs célèbreront ma mort par des réjouissances, mais j'ai un moyen de les faire pleurer et d'obtenir des funérailles magnifiques si vous voulez suivre mes instructions. Ces hommes que j'ai fait emprisonner, dès que j'aurai rendu le dernier soupir, faites-les aussitôt cerner et massacrer par des soldats ; ainsi toute la Judée, toutes les familles, qu'elles le veuillent ou non, pleureront sur moi.» (Guerre des Juifs, 1 659–660; similaire en Antiquités Juives 17, 183–190).
La sœur d'Hérode refusera d'exécuter l'ordre, et libérera tous les notables. Il est clair que les notables redoutaient le pire, une telle citation pourrait provenir d'une divination par l'écriture, ouvrir un rouleau au hasard et lire le passage sur lequel on tombe, et voir en celui-ci une réponse divine sur l'événement sur lequel on s'interroge. 

Matthieu pourrait donc avoir rédigé certains passages en combinant une chronique qui mentionnait cet emprisonnement, et le souvenir du massacre des enfants juifs à l'époque de Moïse; il aura conservé la citation de Jérémie, sans se rendre compte que, dans sa forme complète, elle contredisait totalement le massacre qu'il décrit. 

La fuite de Joseph, de sa femme et de Jésus en Égypte, peut donc avoir d'autres raisons. En effet, l'emprisonnement des notables judéens a été une conséquence de la révolte de l'aigle d'or. Hérode avait fait installer un aigle d'or sur le fronton du temple, provoquant la colère du grand-prêtre et d'éminents Maîtres vraisemblablement membres du Sanhédrin, mais inconnus du Talmud: Judas, fils de Sariphaios, Matthias, fils de Margalothos. Étaient encore liés à ces événements un membre de la famille du grand-prêtre Mathathias, appelé justement Joseph Elemos, probablement Joseph le fort. Le Talmud connaît aussi un Joseph fils d'Elem qu'il sait avoir été le nassi du sanhédrin de Sepphoris, la capitale de la Galilée. Tous avaient convaincus la jeunesse qu'il fallait jeter à bas cet aigle d'or; les deux maîtres mentionnés seront brûlés vifs, le grand-prêtre Mathathias y échappera de peu, et de Joseph nous ne savons rien. 

L'idée d'une naissance messianique est nettement plus invraisemblable; la grande majorité des membres du Sanhédrin qui ne descendaient pas d'Aaron, descendaient en général de David par diverses manière. Or, que l'on sache, Hérode ne les a jamais redoutés; il a par contre poursuivi de sa haine tous les hasmonéens qu'ils soient directs ou indirects. 

Avant de terminer, il convient de terminer par une dernière tentative de réponse: pourquoi le 25 décembre pour célébrer la naissance de Jésus. On a souvent dit que noël avait été établie pour concurrencer la fête du sol invictus; malheureusement, l'établissement du 25 décembre pour établir la fête du sol invictus est tardive (milieu du IIIe siècle) et on ne peut exclure que son établissement soit parallèle au noël chrétien. Peut-être faudrait-il plutôt voir dans la fête de noël une fête parallèle à Hanucca qui se déroule dans une période proche de noël ou qui contient la fête de noël comme ce sera le cas cette année. Cette fête célèbre la libération du Temple pas Judas Maccabée et le miracle qui s'y est produit. Il s'agirait alors pour les chrétiens d'un moyen de convaincre les Juifs que le nouveau Temple, c'est Jésus... 

Quoi qu'il en soit, les différents passages des évangiles cachent une hostilité certaine à Bar Kôkhbâ et aux différentes révoltes juives anti-romaines. Et l'étoile désigne plus la contemplation de la lumière intérieure qui permet à l'homme de trouver Dieu... Conclusion, la date de naissance de Jésus est inconnue.






lundi 11 novembre 2019

Le baptême dans la liturgie chrétienne primitive (IIe siècle)

Le futur baptisé se tournait vers l’occident et disait:
Je renonce à toi Satan, à tes fastes, à ton service et à tes œuvres.

Ensuite, il soufflait dans cette direction (probablement comme on soufflette une bougie pour l’éteindre; probablement pour symboliser sa volonté d’éteindre le feu des passions)
(Quand cette parole était dite, le canon occidental rapporte que le prêtre l’oint de l’huile d’exorcisme qui a été bénite afin que s’éloigne les mauvais esprits. La renonciation aux œuvres de Satan, c’est quitter l’esclavage de l’Égypte pour aboutir à la vérité révélée au mont Sinaï; c’est se détourner des ténèbres vers la lumière) Le futur baptisé se détournait alors des ténèbres vers l’orient ou la lumière et disait:
Je m’attache à toi, Christ. (certaines variantes postérieures ont une connotation trinitaire)
Par cette profession de foi l’homme devenait héritier du christ. Le mot hériter signifie que tu appartient au lot de la vérité… ceux qui n’ont pas renoncé à Satan appartiennent au lot des ténèbres… Ensuite, les futurs baptisés se dépouillent de leurs vêtements et se plongent nus dans le baptistère… (il est probable que les femmes et les hommes étaient séparés; quoique ce ne soit pas important, puisqu’ils ont renoncé à la concupiscence) Là ils sont baptisés Deux formes du rites existaient:
  • 1. L’esprit Saint était transmis avec l’eau du baptême
  • L’homme était baptisé, le prêtre lui imposait les mains pour répandre l’Esprit Saint sur lui.
Ils faisaient alors une profession de foi Les Juifs disaient: 
Jésus christ, donc Yèhôshu°a hamassyah.
Ceux d’origines païennes disaient: 
kurios iesous (Le seigneur est Jésus)
Ensuite ils sortent de la piscine baptismale et sont revêtus d’un vêtement blanc. Ils sont ensuite congratulés par les anciens et les autres baptisés, et reçoivent l’eucharisitie Les rites baptistes de Jean étaient très proches mais la profession de foi se faisait probablement envers Dieu seul Seigneur des cieux et de la terre; il est probable que les premiers chrétiens faisaient de même… La profession de foi s’est complexifiée avec les siècle, pour devenir le credo Sources Boismard: le baptême chrétien

samedi 2 novembre 2019

La problématique de 7Q5 (sur un possible fragment de l'évangile de Marc trouvé à Qumrân)

7Q5 est l'abréviation de Qumran, (grotte) 7, (fragment) 5. Ce papyrus a été identifié par le Père José O'Callaghan comme pouvant être la plus vieille version de l'Évangile de Marc 6, 52–54:
....car ils n'avaient pas compris le miracle des pains, parce que leur cœur était endurci. Après avoir traversé la mer, ils vinrent dans le pays de Génésareth, et ils abordèrent. Quand ils furent sortis de la barque, les gens, ayant aussitôt reconnu Jésus,
En grec:
[52 Οὐ γὰρ συνῆκαν] [πὶ τοῖς ἄρτοις · ἀλλ’ ἦν α]ὐτῶν ἡ [καρδία πεπωρωμέν]η . 53 Καὶ δ[ιαπεράσαντες ἦλθον εἰς Γε]ννησ[αρέτ , καὶ προσωρμίσ]θησα[ν . 54 Καὶ ἐξελ θόντων αὐτῶν ἐκ τοῦ πλοίου εὐθέως ἐπιγνόντες αὐτόν,]
Texte de Marc en gras indique qu'il s'agit du fragment.

  1. [ΣΥΝΗΚΑΝ]Ε[ΠΙΤΟΙΣΑΡΤΟΙΣ]
  2. [ΑΛΛΗΝΑ]ΥΤΩΝΗ[ΚΑΡΔΙΑΠΕ]
  3. [ΠΩΡΩΜΕΝ]ΗΚΑΙΔΙ[ΑΠΕΡΑΣΑΝΤΕΣ]
  4. [ΗΛΘΟΝΕΙΣΓΕ]ΝΝΗΣ[ΑΡΕΤΚΑΙ]
  5. [ΠΡΟΣΩΡΜΙΣ]ΘΗΣΑ[ΝΚΑΙΕΞΕΛ]
  6. ΘΟΝΤΩΝΑΥΤΩΝΕΚΤΟΥΠΛΟΙΟΥ

L'alignement n'est pas parfait, mais en soi, cela ne doit pas surprendre. Les manuscrits grecs anciens étaient copiés en majuscules, sans espace entre les mots et les mots eux-mêmes étaient coupés où finissait la ligne du scribe, donc parfois en plein milieu d'un mot. Les correspondances sont néanmoins plus que suffisantes pour reconnaître qu'il s'agit bien du texte de l'Évangile de Marc

Ceci dit, le fait que la grotte 7 soit entourée et extrêmement proche des grottes 6, et 8 à 10, ne prouve pas que ces fragments ont la même origines que les autres fragments de Qumran. 

Textes en hébreu ou en araméen: 
  1. grottes 1 à 6 et 8 à 11: quasi tous
  2. grotte 7: aucun
Textes en grec:
  1. grottes 1 à 6 et 8 à 11: marginal
  2. grotte 7: tous
Proximité de jarres qui devaient servir de protection aux manuscrits
  1. grottes 1 à 6 et 8 à 11: quasi toutes
  2. grotte 7: aucunes
Comme on le voit, il existe entre la grotte 7 et les autres grottes de Qumran trop de différences, pour que les fragments de cette grotte aient la même origine que ceux des autres grottes. Cette origine différente plaide aussi pour une temporalité différente. Il n'existe aucune raison de supposer que les textes qui y ont été dissimulés datent de la Première Guerre judéo-romaine de 66–70; ceux-ci peuvent tout aussi bien dater — et même plus vraisemblablement — de la Seconde Guerre judéo-romaine de 132–135; voire plus simplement des persécutions anti-chrétiennes des années 140/150 opérées par les Romains à la même époque et dans cette région comme le rappelle Justin. Les chrétiens étaient condamnés à nourrir les lions dans la Judée, devenue avec Hadrien, la Palestine. 

La présence de ce fragment de l'Évangile de Marc appelle très vite d'autres questions, puisqu'on ne voit pas qui d'autres que des chrétiens en fuite soit à cause de Bar Kokhèbâ, soit à cause des persécutions romaines pourr aient avoir entreposés ces manuscrits.

Les autres fragments identifiés appartiennent à l'Exode, à l'Épître de Jérémie et au Livre d'Hénoch. La proximité de ce texte avec l'Évangile de Marc montre que pour les premiers chrétiens, le Livre d'Hénoch était certainement canonique; ce qui se conçoit aisément quand on lit l'Épître de Jude, ou quand on compare les paraboles évangéliques avec les Paraboles d'Hénoch. On doit encore remarquer que Paul affirme que
la femme, à cause des anges, doit avoir sur la tête une marque de l'autorité dont elle dépend. (1 Cor. 11, 10).
C'est-à-dire, porter un voile. Certes, on peut invoquer Genèse 6, mais on a plutôt l'impression que Paul s'adresse à des gens qui sont familiers au Livre d'Hénoch qui rapporte dans le détail les unions des anges aux filles des hommes et la tentation que les femmes représentaient pour les anges. Enfin, Genèse 6, dans les écoles rabbiniques, se rapporterait pour eux aux chefs des temps anciens qui s'unissaient aux filles du peuple. 

Bref, le rejet du Livre d'Hénoch hors du canon biblique reste un scandale de la part des conciles chrétiens.


mardi 22 octobre 2019

La question de la conversion des Juifs

Les chrétiens ont l'obsession de vouloir convertir les Juifs au christianisme. Ceci n'est pas sain, mais est humainement compréhensible; en effet, alors que Jésus le messie est venu pour les Juifs, ceux-ci l'ont rejeté. Les chrétiens se perdent eux-mêmes en conjectures sur la raison eschatologique de ce refus.

Luther a essayé de convertir les Juifs et il a fini antisémite.

Les chrétiens veulent convertir les Juifs parce qu'au fond d'eux-mêmes, ils savent qu'il y a l'Ancien Testament qui leur enjoint de pratiquer les commandements; alors, finalement, pour se rassurer, ils veulent que les Juifs apostasient comme nos pères ont apostasié la Torah. La question de la conversion des Juifs est liée à nos propres manquements. 

La Torah fait partie intégrante des enseignements de Jésus; et ceux-ci nous demeurent fermés si nous nous sommes fermés à la Torah qui est la base des enseignements de Jésus. 

Au lieu d'essayer de les convertir, allons plutôt vers eux pour savoir comment mieux appliquer les commandements contenus dans la Torah.

Jésus, Paul et la circoncision des non-juifs

Dans les évangiles Jésus ne se prononce pas sur ce sujet; on ne peut donc déduire les choses que de manière indirecte. Pour Paul, c'est plus clair.

L'un comme l'autre semblent en apparence l'avoir rejetée. Le problème c'est que nous lisons des textes juifs comme des ignorants du judaïsme. Les chrétiens voient les choses sur base de ce qu'ils connaissent. Si une personne frappe à une église ou à un temple, voire directement chez un pasteur et dit: «Je veux me convertir.» On lui ouvre immédiatement les portes et on le baptise séance tenante.

Le judaïsme ne fonctionne pas ainsi: si tu frappes à une synagogue, et que tu dis que tu veux te convertir; le rabbin va d'abord dire: «Ce n'est pas possible.» Et si tu insistes, il te demandera comment elle s'appelle, suspectant que tu veux te convertir pour épouser une juive. Si ce n'est pas le cas, il repoussera encore ta demande. Le rabbin te proposera même de devenir noahide; en effet, pour le judaïsme, il n'est pas nécessaire d'être juif pour être sauvé. C'est la justice qui sauve, il y a donc dans le salut une grande responsabilité individuelle. Alors que pour le christianisme comme pour l'islam tu dois te convertir à leurs religions pour être sauvés et, bien entendu, les mettre en pratique. Mais pour eux, les non-chrétiens et les non musulmans ne seront pas sauvés. Le corollaire de ces lectures, c'est que ces deux religions ont une volonté de convertir. Si tu insistes, il finira par y consentir, mais il te dira que tu dois suivre le cours de conversion afin d'avoir une connaissance parfaite des préceptes de la Torah. Si après avoir montré que tu as une connaissance excellente de ces préceptes, on te converti. C'est à dire qu'on te circoncis, et quinze jours plus tard tu te baignes dans le mikveh afin de finaliser ta conversion. Dans la réalité, tu es Juif par les commandements, donc prosélyte de justice. Si tu épouses une juive ou une autre prosélyte de justice, tes enfants seront juifs à 100%. À l'époque de Jésus, c'était un peu plus simple; on te disait non, et si tu insistais de plusieurs fois, on t'apprenais alors quelques commandements; si tu les acceptais, alors on te circoncisait et on te faisait passer le bain rituel et tu était Juif; on t'enseignait alors les autres commandements et la manière de les mettre en pratique (aujourd'hui, on enseigne d'abord tout et on convertit après).

Cette description de la conversion au judaïsme qui ressemble plus à un parcourt du combattant qu'à une conversion comme on l'entend aujourd'hui pose un sérieux problème d'exégèse chrétienne. En effet, Jésus rejette la femme cananéenne qui est vraisemblablement une convertie, mais au final il accepte de l'aider car il a vu qu'elle est sincère, comme les rabbins qui convertissent les non-juifs quand ils ont vu leur sincérité.

Les discours de Paul est très directement hostile à la circoncision, pourtant il circoncit quand même Timothée (Actes 16, 1–3). Cette circoncision va à l'encontre de ce que Paul dit dans ses lettres, ce qui a amené différents historiens à prétendre que Luc a inventé l'histoire. 

À notre connaissance, la lecture qui va suivre n'a jamais été formulée. Il existe de gros problèmes relatifs à la datation des épîtres de Paul qui sont trop longs à détailler ici. En 128, l'empereur Hadrien a interdit la circoncision sous peine de mort, y compris aux Juifs. Cette décision va entraîner la révolte de Bar Kokhèbâ. Peut-être serait-il utile de se demander si les propositions anti-circoncisions ne sont pas des professions de foi à l'Empire romain dans lesquelles les chrétiens montrent leur attachement aux ordonnances impériales. Cette critique ne peut être exclue, puisque si on lit Paul, on a l'impression que les Juifs tentent de circonciser tous les non-juifs qui passent à moins de 10km de la synagogue; or, on sait que le judaïsme hellénistique ne pratiquait pas systématiquement la circoncision, y compris des enfants nés de pères et de mères juives; et encore moins les convertis et pas du tout les simples sympathisants.

Enfin, puisque les rabbins refusent les conversion afin de vérifier la persévérance du requérant; il est tout à fait possible que le refus de Paul ait été mal interprété, il aurait alors simplement affirmé que la circoncision n'était rien, afin de vérifier la fiabilité des chrétiens qui, au contraire de ce qu'ils auraient dû faire, se sont empressés de renoncer à la circoncision.

Stephan HOEBEECK

La question du voile et le débat interreligieux

Nous ne devons pas passer notre temps à attaquer l'islam mais à réfléchir sur nous-même. Bien des chrétiens caricaturent l'islam pour éviter de répondre à des questions précises relatives au christianisme, et la plupart des débats se transforment en insultes. De telles situations sont inacceptables et engendrent la haine entre croyants; en outre, une grande partie de ceux qui débattent dans chaque camp n'ont que rarement un niveau satisfaisant de connaissance de leur propre religion. Ces débats ont un second défaut, ils deviennent caricaturaux. C'est ainsi que chacun veut créer des différences là où il n'y en a pas. Les chrétiens attaquent ainsi souvent les musulmans sur la question du voile. Paul écrit en (I Cor. 11, 5–6) : 
Toute femme, au contraire, qui prie ou qui prophétise, la tête non voilée, déshonore son chef: c'est comme si elle était rasée. Car si une femme n'est pas voilée, qu'elle se coupe aussi les cheveux. Or, s'il est honteux pour une femme d'avoir les cheveux coupés ou d'être rasée, qu'elle se voile.
On se demande après cela pourquoi attaquer les musulmanes sur le voile. 

Le débat exige que ceux qui le pratiquent aient du tact dans leurs discussions. 

La question de la femme adultère

Il est devenu courant d'entendre que Jésus a aboli la Torah et l'a rendue caduque... Cette affirmation est fausse et impossible à justifier par les textes; elle procède d'une mauvaise compréhension de Paul.

Cette histoire, quoi qu'elle soit absente des manuscrits anciens, est l'une des plus répétées par les chrétiens qui pourtant ne la comprennent pas. Il retienne seulement qu'une femme adultère aurait dû être lapidée et qu'elle ne l'a pas été.

La Torah prescrit la lapidation des femmes adultères en Lévitique (20, 10): Si un homme commet un adultère avec la femme d'un autre homme, avec la femme de son prochain, l'homme et la femme adultères doivent être mis à mort. Or, c'est tout le problème de la narration évangélique: où est l'amant? Son absence est d'autant plus étonnante qu'elle aurait été prise en flagrant délit. Qui peut certifier que Jésus n'aurait pas lancé la première pierre si l'amant avait été présent? Personne. 

La difficulté peut néanmoins être levée autrement, cette femme adultère était plus probablement une prostituée. Si le grec moikhèia ne laisse aucun doute, c'est adultère et pas prostitution; l'hébreu na'af signifie «commettre l'adultère», mais aussi «se prostituer», éventuellement aux idoles, donc pratiquer l'idolâtrie. Certaines écoles rigoristes prônaient la peine de mort pour les prostituées. On peut lire dans le Deutéronome (23, 18): Il ne doit pas y avoir une prostituée parmi les filles d'Israël, ni un prostitué parmi les fils d'Israël. Mais il n'y a pas de peine prévue. Ce qui implique une possibilité pour la personne de changer de vie. Il y a un cas où la prostituée doit être exécutée, c'est si elle est fille de prêtre, ainsi que le dit le Lévitique (21, 9): Et si la fille de quelque pontife se déshonore par la prostitution, c'est son père qu'elle déshonore: elle périra par le feu.

Cette femme est donc très vraisemblablement une prostituée. Jésus lui dit simplement: «Va et ne pèche plus». Pourquoi ne l'a-t-il pas condamnée? Si elle n'est pas fille de prêtre, son acte ne mérite pas la mort; même si, en certaines circonstances, celle-ci a vraisemblablement été appliquée aux prostituées. Enfin, dans le cadre de l'occupation romaine, il est plus important de chasser les Romains que de s'occuper des prostituées.

Prétendre que par cette péricope, la loi serait abolie revient surtout à étaler son manque de connaissance de la Torah et de l'époque.


La question du pardon des fautes et de la confession

Jésus dit (Mt 16, 17–19):
Tu es heureux, Simon, fils de Jonas; car ce ne sont pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela, mais c'est mon Père qui est dans les cieux. Et moi, je te dis que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et que les portes du séjour des morts ne prévaudront point contre elle. Je te donnerai les clefs du royaume des cieux: ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux.
Sur base de ce verset l'Église catholique a établi l'absolution des péchés après la confession, c'est ainsi que des prêtres pédophiles ont obtenu le pardon après leur confession. Une telle manière de voir les choses n'est pas acceptable.

Cette question ne peut-être traitée que par rapport à l'Ancien Testament et à la pratique du culte sacrificiel. Le pardon, mais il serait plus juste de dire l'expiation, des fautes s'obtient par un sacrifice; celui-ci a néanmoins des limites.

1. Les fautes pardonnables sont des fautes faites contre soi-même; en sont donc exclues les crimes contre les autres et les crimes contre Dieu. La torah interdit les tatouages (Lév. 19, 28), donc si tu décides de te faire tatouer, tu enfreins la Torah; c'est une faute au plein sens du terme, elle n'est néanmoins pas pénalisée. Comme dans les époques anciennes tu ne savais effacer un tatouage, tu devais vivre avec; mais aujourd'hui, il serait légitime de recommander leur effacement. Si tu as des rapports sexuels avec une femme libre et que toi-même tu es libre, c'est quand même une faute. Néanmoins, c'est une faute mineure, parce que tous deux étaient adultes, non engagés, etc. Cette action est néanmoins une faute au sens biblique, mais ce n'est ni une faute contre Dieu ni une faute contre les autres. On estime donc que l'homme qui se repentit de ces fautes, s'il offre un sacrifice, ou se confesse, alors il est pur.

2. Les fautes contre les autres ne peuvent pas être effacées par un sacrifice, sauf certaines, 
  • quand le coupable s'est repenti, 
  • qu'il a dédommagé sa victime 
  • et qu'elle a accepté le repentir de son frère. 
C'est alors que ces fautes sont effacées ensuite par un sacrifice et, dans le cadre chrétien, par la confession. 

De telles choses ne sont pas applicable dans le cadre du viol (la pédophilie est toujours un viol) ou d'un meurtre qui doivent être sévèrement punis; pour ces crime, il n'y a pas de sacrifice expiatoire ni non plus de possibilité de pardon par la confession. Si un homme a tué ou violé, même s'il se repent, il doit être livré à la justice et tant le sacrifice expiatoire que le pardon après la confession doivent lui-être refusés.
Le voleur, s'il s'est repenti, s'il a dédommagé sa victime, et si sa victime lui a pardonné, alors il peut recevoir l'absolution. Dans les autres cas, le prêtre qui donne l'absolution est fautif et devient coupable avec le coupable et responsable de son crime; enfin, si le coupable récidive, alors il est co-auteur du crime.

3. Les fautes contre Dieu sont jugées par Dieu et sa sentence est immédiate, comme quand Antipas a fait décapiter Jean le baptiste, Dieu a envoyé son esprit sur l'armée d'Antipas pour lui susciter la peur des Nabatéens, et elle a pris la fuite, abandonnant Antipas à une piteuse défaite.

L'Église a commis bien des abus pour avoir érigé des dogmes sans tenir compte de la torah.

Néanmoins, dans la réalité de l'évangile, rien ne définit les différentes fautes; or, en sortant Jésus de son cadre juif, on en est arrivé à des situations inacceptables ou des prêtres font des choses complètement interdites et contraires à la volonté de Dieu.

Stephan HOEBEECK 

Que veut dire: accomplir la loi?

Jésus dans l'évangile de Matthieu dit (5, 17): Ne croyez pas que je suis venu détruire la loi ou les prophètes; je ne suis pas venu détruire mais accomplir.

Tout chrétien est censé croire que la Torah vient de Dieu, il est aussi censé savoir que Jésus n'a pas aboli la Torah mais l'a accomplie. Certains disent qu'il a donné la prééminence à la loi d'amour. Mais en réalité, cela se trouve déjà dans la Torah et dans le prophètes, tant de manière directe qu'indirecte. Les chrétiens prétendent que cet accomplissement, c'est sa mort, et citent un logion de Jean, quand Jésus dit (Jn 19, 30): Tout est accompli, expirant juste après. Il est toujours délicat de mélanger les évangiles, d'autant plus que ce mot est fréquent en Jean et doit plus probablement être mis en rapport avec (Jn 7, 8): Montez, vous, à cette fête; pour moi, je n'y monte point, parce que mon temps n'est pas encore accompli

Dans la mesure où le sens est obscur, il y a lieu de lire les versets précédents chez Matthieu qui rapportent que Jésus a dit (5, 13–16):
Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on? Il ne sert plus qu'à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée; et on n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes œuvres, et qu'ils glorifient votre Père qui est dans les cieux.
Qu'est-ce que la lumière du monde? c'est la Torah; et par extension, ceux qui en accomplissent les préceptes.
Quelle est la ville qui ne peut-être cachée? c'est Jérusalem, la ville de la Torah, donc la torah.
Jésus a constaté que la torah est la lumière du monde puisqu'elle enseigne la loi qui permet à l'homme de se conformer à la volonté de Dieu. 
Les propos de Jésus sont clairs: il demande au Juifs de diffuser la Torah parmi les nations, afin que les gentils eux aussi aient part au monde à venir.
Mais Jésus sait que certaines mésaventures avec de pseudo-convertis ont causé des problèmes d'apostasie, etc. Ces Juifs pensent aussi à Esdras Néhémie qui n'offrent jamais aux conjoints païens des Juifs/juives la possibilité de se convertir, mais seulement de quitter leurs conjoints et de partir hors de Judée. Ce que l'on appelle les Dix-huit ordonnances de Rabbi Shammay vise à rendre impossible tout rapport entre Juifs et non-juifs. S'ils ne peuvent plus se fréquenter, plus se parler, plus se rencontrer, les non-juifs alors n'auront jamais accès aux bienfaits de la Torah. Jésus lutte contre l'idéologie shammayite qui croit que diffuser la Torah parmi les nations équivaudrait à l'abolir. Jésus dit, au contraire, que diffuser la Torah aux nations, c'est l'accomplir; car sa lumière ne peut être cachée et que l'homme doit vivre sous la domination des lois que Dieu a établies. 

Le message nazaréen originel de Jésus visait à unifier les Juifs et les non-juifs par la Torah: Une même loi pour tous, un loi pour gouverner l'humanité entière.


La question de la Nouvelle Alliance


Les chrétiens disent que Jésus a établi une Nouvelle Alliance, ce qui est en conformité avec ses paroles: néanmoins, ils se méprennent totalement sur le sens de ces mots. Ils estiment, en effet, que le sens du mot Nouvelle Alliance doit être cherché en Jérémie par lequel Dieu a dit (30, 30–33):
«Voici, des jours vont venir», dit le Seigneur, «où je conclurai avec la maison d'Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle, qui ne sera pas comme l'alliance que j'ai conclue avec leurs pères le jour où je les ai pris par la main pour les tirer du pays d'Égypte, alliance qu'ils ont rompue, eux, alors que je les avais étroitement unis à moi», dit le Seigneur. «Mais voici quelle alliance je conclurai avec la maison d'Israël, au terme de cette époque», dit l'Éternel: «Je ferai pénétrer ma loi en eux, c'est dans leur cœur que je l'inscrirai; je serai leur Dieu et ils seront mon peuple. Et ils n'auront plus besoin ni les uns ni les autres de s'instruire mutuellement en disant: “Reconnaissez l'Éternel!” Car tous, ils me connaîtront, du plus petit au plus grand, dit l'Éternel, quand j'aurai pardonné leurs fautes et effacé jusqu'au souvenir de leurs péchés.»
Ce passage est on ne peut plus clair, une alliance sera conclue entre Dieu et les hommes, et quand elle sera conclue tous les hommes connaîtront naturellement Dieu et pratiqueront naturellement la justice. Cette période bénie n'est, hélas, pas encore venue. Quant à l'argument des chrétiens qui disent qu'il suffit «d'accepter Jésus-Christ», c'est un contre-sens flagrant par rapport au texte. En effet, ce que ce texte décrit, c'est l'état post-résurrection, dans lequel l'Esprit-Saint aura brisé les écluses des cieux et aura immergé toute l'humanité dans sa plénitude. Si quelqu'un devait se fermer à l'Esprit-Saint à ce moment-là, il connaîtra immédiatement le sort de la femme de Lot, et sera consumé. Cette alliance nouvelle sera conclue entre les humains ressuscités et Dieu, c'est cela la brîth_hadashah.

Les chrétiens affirment, entre autre à cause des rabbins, que la prophétie s'est arrêtée dans le siècle qui suivit le retour de l'exil à Babylone. Ils estiment donc que les derniers textes bibliques sont Esdras-Néhémie. Ces textes, même s'ils parlent de personnages anciens ne datent néanmoins pas de cette époque, mais doivent plutôt être contemporain du triomphe pharisien de –76. En prétendant qu'entre la clôture du texte biblique qu'ils supposent avoir eu lieu vers –400 et les évangiles, il n'y a rien; ils ont surtout réussi à rendre leurs propres textes incompréhensibles. Mais Dieu qui n'oublie jamais les hommes, malgré leurs égarements et leurs transgressions, a choisi de nous faire connaître le sens de «Nouvelle Alliance» en faisant sortir de terre des textes qui avaient été oubliés. C'est ainsi que vers 800, il permit à des hommes de trouver de vieux manuscrits bibliques, dont un qui sera finalement retrouvé dans la Géniza du Caire et qui a été intitulé Écrit de Damas (Cairo-Damascus Document, CD).
Dans ce texte, il est question d'une nouvelle alliance conclue au pays de Damas (habrîth hahadashah be'arètz damashèka, en CD VI-19). Les auteurs ont rattaché ce passage à Jérémie 30 comme les chrétiens le font avec les paroles de Jésus. Cette interprétation n'est pas possible, puisque la Nouvelle Alliance qui a été prophétisée par Jérémie est une alliance par laquelle TOUS LES HOMMES VIVANTS SERONT NATURELLEMENT JUSTES. Pour les esséniens, le nouvelle alliance dont ils parlent n'est pas celle de Jérémie.
Ce texte est contemporain du règne de Salomé Alexandra (reine de Judée de –76 à –65). Le grand-prêtre Jean Hyrcan (grand-prêtre et gouverneur de Judée de –134 à –104) a décidé de convertir les Iduméens au judaïsme après la conquête de cette province (–115). Ses fils vont achever de conquérir l'Iturée/Batanée/Trachonitide (–104); ils en judaïseront les habitants. Quand les pharisiens reprirent le pouvoir après la mort de Jannée (–76),  ils se désintéressèrent de la conversion des Ituréens, d'autant qu'elle avait été forcée; ils les laissèrent donc faire comme il leur plairait. Ils apostasièrent massivement.
La 'èrètz_damashèka correspond à cette région d'Iturée, etc. Ensuite le texte écrit: Tous les hommes qui sont entrés dans la nouvelle Alliance au pays de Damas... mais se sont rétractés, ont trahi et ont dévié du puits d’eaux vives, ils ne seront ni comptés dans le conseil du peuple, ni inscrits dans leurs registre (CD XIX, 33–34).
Comme l'alliance prédite par Jérémie ne pourra pas être apostasiée, il est inévitable que le sens doit être deviné par rapport à ce que nous pouvons savoir de l'histoire. Ceux qui se rétracté de la nouvelle alliance au pays de Damas ne peuvent être que les Ituréens qui apostasièrent massivement après la mort de Jannée. L'identification de la terre de Damas à l'Iturée permet aussi de comprendre la mission de Paul. En effet, la plupart des historiens se demandent comment Paul pouvait bien faire pour se faire transférer des chrétiens prisonniers dans la ville de Damas où les autorités juives ne sont pas reconnues. Par contre, l'Iturée appartient à Philippe, fils d'Hérode qui est juif et qui applique la Torah avec une grande justice; là l'autorité du Temple est suffisante pour que sa demande de transfert des prisonniers soit acceptée.
Jésus a donc utilisé l'expression «nouvelle alliance» dans un sens conforme à celui de l'Écrit de Damas, savoir l'ouverture de l'Alliance d'Israël aux non-juifs par l'application des commandements. L'alliance n'est pas nouvelle, ce sont qui y entrent qui sont nouveaux car ils sont extérieurs aux douze tribus d'Israël.

Stephan HOEBEECK

Sentinelles judéo-chrétiennes?

Le mot sentinelles traduit l'hébreu noçèrîm qui est à l'origine du mot nazaréens. Il se réfère donc au christianisme original.

Il faut avouer que le christianisme a dévié; la plupart des notions judaïques du Nouveau Testament ont été mal comprises par les pagano-chrétiens qui ont établi les dogmes chrétiens sur base de leurs erreurs. La plus évidente de ces erreurs concerne le Verbe (logos) et l'Esprit-Saint (pneuma agion); les seules notions du Tanakh (Ancien Testament) qui semblent se rapprocher du logos sont celles de la voix de YHWH et/ou de l'ange de YHWH. Pourtant, même ces deux notions restent très éloignées du logos qu'elles ne recoupent qu'en partie. Quand la Torah fut traduite en grec vers –300/–200, les traducteurs ont été ennuyés par le Rûach Elohîm; en effet, l'hébreu rûach a des sens qui sont absents du grec pneuma, particulièrement au niveau intellectuel (qui paradoxalement existent dans le français, puisqu'avoir de l'esprit c'est aussi être intelligent). Les philosophies judéo-hellénistiques, puisque la notion grecque de pneuma n'était pas compatible avec son utilisation biblique, ont progressivement utilisé le mot logos pour décrire les aspects intellectuels du Rûach Elohîm. Les seconde et troisième personnes de la Trinité n'en sont, en réalité, qu'une. Il n'existe de différence entre logos et pneuma, qu'à cause de la pauvreté de sens du mot grec pneuma.

Cette question théologique ne doit néanmoins pas être prééminentes pour nous; en effet, le christianisme est devenu porteur d'une hétéro-praxie qu'il appartient de corriger.

Aujourd'hui, on prétend qu'il existerait un Ancien Testament devenu quasi inutile, car il a été révisé et corrigé par l'évangile. Une telle affirmation a conduit les chrétiens à des interprétations délirantes sur leurs propres textes qu'ils ont interprété en-dehors de leur cadre juif.